Après 1960, en ce dernier quart du 20ème siècle, l'âge d'or de la pêche à la voile était bel et bien révolu.
Depuis leurs dernières campagnes au thon, vers 1955, les thoniers dundees aujourd'hui mythiques avaient à peu près tous disparu : débités en bois de chauffage, abandonnés pourrissants dans les cimetières de la rivière d'Etel, de Pouldohan, de Lechiagat.... vendus et partis naviguer si loin... qu'ils ne revinrent jamais en Bretagne.
Dans les années 70, victimes de la même évolution, les canots à misaine, plus petits, plus maniables et beaucoup moins onéreux à entretenir, survivaient encore un peu. Mais eux aussi étaient démodés et les jeunes pêcheurs travaillaient tous avec de nouveaux outils. En toute logique de l'époque, seule la petite pinasse aux formes exclusivement conçues pour la propulsion mécanique avait la faveur des professionnels !
En 1980, par chance quelques canots à misaine avaient encore échappé à une destruction irrémédiable. Ils ne naviguaient plus « qu'en plaisance », souvent avec des moteurs essence usagés, une petite voile de secours peu efficace pouvait être hissée à chaque panne du moteur... De fait, ils méritaient leur surnom méprisant « bateaux boutou ».. leurs jours étaient comptés ! Le musée de la pêche de Concarneau en conservait bien deux spécimens, le Courageux II, coque exposée dans son intégralité, tandis qu'une autre avait été volontairement sectionnée en deux dans le sens de la longueur !! Elle servait de bar-présentoir dans une salle trop étroite pour accueillir la largeur de son maître-bau.... Qui sait ce que devint l'autre moitié, probablement jetée à la décharge !
Dans le Sud-Finistère en 1984, parmi les possesseurs de ces anciens voiliers de travail locaux, ils ne furent au départ qu'une vingtaine de marins, anciens professionnels ou amateurs, à s'unir pour fonder l'association loi de 1901 La Misaine.
Leur but commun était la « promotion du voilier traditionnel breton, usuellement nommé Canot à Misaine »...
... un peu à contre-courant...
Et, plus que symboliquement, ils prirent alors pour siège social l'Abri du Marin de Sainte Marine, le premier abri de l’œuvre, bâti en 1900 par Jacques de Thézac.
Pour première action, de ports en grèves, les nouveaux associés firent l'inventaire de tous les misainiers qu'ils rencontrèrent, de « leur » patrimoine ». Ils connurent leurs propriétaires, ils surent convaincre qu'il y avait, dans chaque coque fut-elle la plus modeste, un brin d'histoire littorale à retenir... Il restait encore une centaine de coques... La Misaine s'agrandissait, tandis qu'une conscience collective reprenait corps ! Le mouvement était lancé, il dure depuis.
L'année suivante, en 1985 donc, La Misaine était au lancement du C'hoari W'an Dour, dont elle devenait propriétaire. Cette reconstitution d'un grand misainier bigouden de 1920 était l'oeuvre d'un stage de formation professionnelle « charpentier de marine » aux Chantier de l'Enfer à Douarnenez. Le plan exécuté était une synthèse de l'architecte naval F. Vivier en étroite collaboration avec B. Cadoret (cf "le point de vue de l'architecte"). Ce bateau est depuis lors le « bateau amiral » de La Misaine, le seul que l'association finance et arme, celui qui la représente, qui est à la disposition de tous ses membres et de leurs amis... celui qui lui demande le plus de soins pour demeurer exemplaire...
En ce qui concerne tous les autres misainiers, le principe associatif a toujours été : «un bateau, un(e) patron(ne)», car on aime d'abord ce que l'on a. On en prend fierté, soin, plaisir pour y avoir investi son temps, son travail, sa passion (et son argent !).
Au mouvement associatif de créer et de maintenir l'émulation, l'entraide, le soutien, le conseil... et d'éviter les défigurations de coques ou de gréement, les mauvaises manœuvres, les mouillages dans de mauvais abris, les négligences, abandons et ventes lointaines.
En tant que structure, La Misaine a en charge, non pas un bateau à maintenir, mais un groupe conséquent, très probablement le plus ancien et le plus important regroupement permanent de voiliers de travail en Bretagne!
Vaillamment, mais souvent difficilement, jusqu'à nos jours les associés de La Misaine ont su résister et sauvegarder une flottille homogène de bateaux de travail bretons. Sans eux, il n'en resterait que des éléments épars. Et à de rares exceptions près nous en serions réduits maintenant aux «cartes postales et pièces de musée», comme pour les bisquines, les langoustiers, les thoniers, les gazelles... !!
Pour une (re)découverte "pas à pas" de la vie de La Misaine, quoi de mieux qu'une visite des archives sur ce site : toutes les revues écrites par l'association.