Saint Maudet

Nom du navire :  Saint Maudet

ex Marie-Paul-Ronald GX 4681

Numéro d'immatriculation : CC 165014

Type : Canot

Chantier constructeur : Bonec (Lorient)

Année de construction (ou de mise en service) : 1952

Longueur : 7,45 m

Largeur : 2,65 m

Tirant d’eau : 1,3 m

Tirant d’air : 9,3 m

Déplacement (en tonnes) : 4,39

Voilure :  

Moteur :  Renault Couach RD 18D Diesel 20CV

Port d’attache habituel : En restauration

 

Quelques mots sur « Saint Mauret »

Mis en chantier (Bonec) à LORIENT en 1953 par un médecin pour la plaisance gréée en cotre, voile pure.

En cours de construction et à la suite du décès de la femme du médecin, la coque est vendue et inscrit à la pêche il est conservé garde pendant quelques années.

Il est alors revendu à un pêcheur retraité, qui le motorise (percement de l’étambot) avec un moteur Couach 25CV et l’utilise à la pêche pendant de longues années à Groix. Ce bateau ne faisant pas le bonheur de son gendre, il est laissé à l’abandon.

Fin 88, Henri Quentel l’achète pour le moteur dont il compte équiper le bateau de 10 m en acier qu’il construit. Il le ramène de Groix au Belon, hésite à mettre une annonce pour la coque puis l’emmène en vasière sur la rive droite du Belon vers Riec.

La grande marée de fin août 92 (coefficient 117 vent SO.O) le remet à flot et le lundi 31 août il arrive au port du Belon.

M.Frappié, de sa propre initiative le sort de l’eau et avec l’accord du propriétaire l’emmène au Centre de vacances de Beg Porz dont le Directeur s'est fait une joie de le mettre à la disposition des enfants vacanciers pour les familiariser avec les coques de bateaux traditionnels. Il a alors l’extrême gentillesse de nous le céder dès que nous annonçons notre appartenance à l’Association La Misaine et notre intention de le remettre en état de naviguer.

Nous nous engageons alors à lui apporter une coque non réparable, dès que cela sera possible.

Tous les papiers du bateau ont été annulés, officiellement il n’existe plus !

Le bateau est alors retransporté par M.Frappiés jusqu’au chantier de Marcel HELLEGOUARCH à Douélan qui entreprend sa restauration.

À la Toussaint, le tableau arrière et l’étrave sont rénovés et Marcel, debout sur la digue d’enrochement qui domine son chantier nous propose les nouvelles lignes du bateau : un peu plus hautes sur l’arrière, très tendues, ce sera très beau !

Un pin de famille d’une quinzaine de mètres a le grand honneur d’être abattu pour devenir le mat.

En février, le bateau a un pont, des béquilles, bref il est apparemment terminé. Nous nous mettons enfin tous d’accord sur les couleurs : blanc avec les préceintes bleu-gris.

Notre objectif initial d’un lancement à l'Ascension est tenable, ce sera en fait le 21 mai.

Actuellement, il est la propriété de La Misaine et devrait être restauré une nouvelle fois par les ateliers de l'enfer à Douarnenez. 

Histoire de Saint Maudet (Histoire vraie)

Voilà, j’étais tristement solitaire dans un petit bras du Belon, à la suite de mon abandon par mon ancien propriétaire venu me chercher à Groix (oui je suis « Grec » et fier de l’être) pour récupérer mon moteur, mon arbre et mon hélice.

J’étais tout seul et triste, dans ce coin si reculé et si inaccessible, à tel point que les gens bien intentionnés de La Misaine, qui venaient me voir, repartaient affolés en disant que jamais un engin terrestre ne pourrait me gruter par la terre, vu que j’avais quelques blessures qui m’interdisaient de flotter, disaient-ils. Un Jour, une équipe de cousins est venue, a pris mes mensurations, m’a palpé et même fait un peu mal en piquant leurs couteaux pour connaître mon état. J’entendais leurs paroles admiratives à mon égard. « Qu’il est beau » — « Y’a pas tellement de dégâts » — « Il est aussi grand que C’Hoari ». Qui est celui-là ? Il doit être sympa. J’ai hâte de le connaître et les autres dont j’entendais les noms et les comparaisons de qualité. J’en étais tout émoustillé, tellement que mon tableau arrière, déjà en piteux état, a failli en tomber de joie.

Hélas, la même question revenait : comment aller me chercher dans mon endroit inaccessible, etc., etc.

Les voilà partis et je suis resté seul, terriblement angoissé et je n’ai plus revu personne. Et, voilà qu’une grande marée exceptionnelle a, fin août 1992, commencé à me faire bouger avant d’avoir son coefficient maxi. « Bonne idée » me dit-je. Je flotte entre deux eaux, comme ils disent, et ce ne sont pas les méchants « bouts » qui me retiennent à terre qui vont m’empêcher de partir.

Et, c’est ce qui s’est passé, sur une bonne petite vague de ressac, je suis parti.

Je ne savais pas où j’allais, mais j’étais sûr en tous les cas de ne pas crever dans ce cimetière à bateaux si triste.

J’en ai appelé aux dieux des misainiers qui m’ont fait attendre le courant de jusant et me voilà parti, vous savez où, au milieu des yacks en plastique du Port du Belon.

Formidable, ma présence a causé tellement de panique dans ces unités bijoutées, que le port et ses responsables se sont mis en émoi, de peur que je casse tout sur mon passage.

Voilà qu’on me remorque avec soin, pas pour moi, mais à cause des autres. Je me trouve solidement amarré au quai et quelque temps après, je me sens gruté et posé sur une remorque. Cela ne m’était jamais arrivé, croyez-moi.

Par contre, les commentaires allaient bon train : « il est foutu », « Où est-ce qu’on le brûle ? », etc., etc.

J’en étais malade de trouille, mais je refaisais mes prières de misainiers dans la misère.

Arrive un humain gympa, directeur d'une colonie de vacance qui dit à ceux qui auraient pû devenir mes exécuteurs : « Je le prends, vous l’emmenez sur la pelouse de ma colonie, et il sera là pour sa beauté et faire jouer les gamins. »

Dans le fond, ce n’était pas si mal, mais j’avais envie de naviguer et pas d’être transformé en « mobilier de jardin ». Nouvel appel aux dieux des misainiers et ça à marcher.

Un journaliste du Télégramme de Brest, en mal de copie, relate l’évènement dans le journal aux premiers jours de septembre 1992. Denis du Pouldu, un des cousins qui était venu me voir, lit l’article, tout à fait par hasard une fois rentré en Sologne et arrive, ventre à terre pour me voir sur ma pelouse.

Quelle joie vous pensez, est-ce que les cousins vont me laisser là ? Eh bien non ! Je vois arriver le Patron de La Masaine qui connaissait le directeur de la colonie et voilà qu’ils se mettent d’accord, convenant que mon état ne justifiait pas mon abandon, pour que les cousins me récupèrent, moyennant l’échange avec un autre bien plus malheureux que moi, et tout cela en accord avec mon ancien Patron.

Arrive aussitôt après, Marcel Hellegouac'h, le Charpentier de Marine de Doëlan qui m’ausculte bien comme il faut et dit aux cousins : « Je peux le réparer, il en vaut la peine, il est beau, etc., etc. ».

Ça y est, ils font l’échange. J’ai failli prendre la cale de joie sur ma pelouse.

Retransport, me voilà bien installé sur des tins devant la mer à Doëlan et aussitôt Marcel Hellegouac'h me déshabille des parties abîmées et de mon affreux roof en contre-plaqué, et, comble de délices, me répare et me peint au minium.

Je suis presque terminé et les cousins, dont je connais maintenant les noms :
François, Olivier et Patricia, Denis mon sauveur et leur copain Christian. Ils me disent que je vais m’appeler St Maudet et que je serai présenté à Merrien pour l’Ascension prochaine.

À bientôt donc, les amis.

Un bon conseil à mes frères misainiers couchés dans un endroit perdu : si vous vous sentez encore la volonté de naviguer, tirez-vous. Avec beaucoup de chance, on vous sauvera. J’ai demandé à Hervé de vous raconter mon histoire.

J’espère que cela vous aura plu.

 

St Maudet Ex. : Marie-Paul-Ronald GX 4681

 

Article paru dans La Misaine n°15  Janvier  1993